Il y a une critique académique de quelques contes de fées qui suggère que ce qui caractérise les femmes âgées est leur méchanceté. Dans « Hansel et Gretel, » par exemple, la femme âgée joue le rôle d’une sorcière qui attire les enfants qu’elle veut manger, au moyen de bonbons. Peut-être que ce modèle incarne la peur de vieillir; peut-être que c’est un symbole de la manière dont les adultes vivent leur vie à travers leurs enfants; peut-être que c’est un exemple de misogynie culturelle; ou peut-être que c’est une manière pour les enfants de réagir contre leurs ainés—ils se définissent en exprimant ce qui les différencie de leurs parents et grands-parents. Peut-être que c’est une combinaison des quatre raisons ensemble, ou même de d’autres raisons.
Quelle qu’en soit la raison, je me suis rappelé cette critique quand j’ai lu un article en ligne dans lequel la vedette, Cameron Diaz, a initialement exprimé sa satisfaction du fait d’être plus âgée (une perspective que je ne partage pas toujours). Elle a expliqué qu’elle aime la sagesse qui vient (parfois, à mon avis) avec les années. J’ai remis en question sa « sagesse » compte-tenu des commentaires suivants qu’elle a formulés : « J’avais l’habitude de demander à mes grands-parents toutes les choses que je voulais savoir parce qu’ils avaient de l’expérience. De nos jours, les enfants ont simplement à utiliser Google. Ça rend les grands-parents désuets. »
J’ai été fascinée par ce commentaire, qui m’a aussi rappelé Marshall McLuhan et son idée que la technologie est une extension du corps humain. C’est un concept populaire fréquemment formulé. Alors, selon Diaz, la technologie élargit notre connaissance … si bien que notre ego ne laisse pas de place pour les grands-parents. En conséquence, les humains sont de moins en moins nécessaires dû à l’augmentation de l’information sur l’internet. Ou, possiblement que tout simplement, comme Hansel et Gretel, les enfants n’ont jamais vécu de bonnes expériences avec leurs grands-parents.
Mais, à mon avis, les grands-parents peuvent jouer certains rôles que la technologie ne pourra jamais remplacer : le lien inter-générationnel, et, en particulier, la transmission de notre histoire culturelle, des mythes qui ont entouré et bercé notre naissance et qui nous définissent.
Et ça c’est aussi le rôle joué par l’écrivain. Sur le fond, il me semble que je suis d’accord avec Diaz : il y a des écrivains qui utilisent l’internet souvent pour transmettre leurs idées, dans des blogs ou même dans des romans qui sont disponibles sur l’internet, pour établir un lien avec d’autres personnes. Je me suis rappelé le commentaire qu’une de mes écrivaines favorites, Anne Michaels, avait fait quand elle a visité l’Université Bishop’s : elle écrit comment les humains peuvent se rapprocher les uns des autres. C’est le medium qui change : au lieu de nos grands-parents, c’est un ordinateur (ou ipad, ou kindle etc) qui nous fournit des histoires. Alors, oui, je suis d’accord. Ça c’est le rapport important entre les grands-parents et les écrivains : les deux font partie intégrante du processus de récit des histoires (un fait que les Autochtones ont déjà bien compris).
Et, quand vous lisez une histoire sur Kindle, c’est évident qu’une personne l’a écrite—ça veut dire qu’un ordinateur ne peut jamais remplacer l’être humain qui a créé l’histoire. Mais, finalement, même si vous vous rapprochez d’un autre humain par le biais d’un roman, par exemple, c’est beaucoup plus agréable, n’est-ce pas, d’être tenu dans les bras de personnes qui vous aiment? Et, peut-être aussi, est-ce préférable d’entendre une histoire venant de la bouche de ceux qui vous aiment, les grands-parents par exemple.
Je suis certaine que c’est ce que Diaz voulait dire, parce qu’elle sera aussi peut-être grand-mère un jour—au moins, sera-t-elle une personne plus âgée qui aura des histoires à raconter . . .